« Quel rapport entre le cannabis et le chômage ? », se demanderont évidemment la plupart de nos lecteurs. Peu évoquée publiquement, même si un grand nombre de personnes connaissent sa réalité, l’économie souterraine du cannabis est reliée aux problématiques de la délinquance, de la santé publique, mais aussi du chômage.
On estime que le nombre de consommateurs de cannabis en France est de 5 millions, dont 850 000 réguliers et 450 000 quotidiens (données d’un rapport de l’Institut de veille sanitaire paru en 2004). Ce qui met la France en position de premier pays consommateur en Europe.
En estimant très raisonnablement qu’il faut en moyenne un dealer pour vingt consommateurs (petits ou gros), cela nous donne un chiffre de 40 à 100 000 « distributeurs finaux » en fonction de la fréquence de consommation des « non réguliers ». Si l’on ajoute les personnes qui épaulent le dealer, celles qui le fournissent (les passeurs et les « grossistes »), et celles qui vivent de ses revenus, nous atteignons des chiffres considérables. Il est bien évident que parmi toutes ces personnes, une proportion non négligeable touche, soit le chômage, soit le RMI, et dans tous les cas est couverte par la Sécurité Sociale à laquelle elle ne verse aucune contribution.
Mais il faut aussi considérer tous les effets induits par le caractère illégal et lucratif de la vente de cannabis. Du haut de ses 20 ans de flagrants délits, un policier de Seine-Saint-Denis relativise : « Les armes ont toujours circulé. La racine de tous les problèmes, c’est la drogue. De plus en plus, elle nourrit les trafics en tout genre, la course à l’argent et des réseaux d’économie parallèle qui font que certaines familles ferment les yeux sur les deals de leurs fils parce que ça leur permet de vivre. » Ex-consommateur et vendeur de shit d’une cité du 93, Thierry, 32 ans, parle d’engrenage : « Le petit deal, ça fait partie du quotidien. Le problème, c’est que ça attire les gros, les fournisseurs de vraie merde. Je me souviens d’un type qu’on obligeait à vendre de l’héroïne. Il y a eu une querelle, il s’est fait ouvrir le ventre au couteau. »
Encore une fois, la France a choisi la politique de l’autruche plutôt que de prendre le problème à bras le corps. Il faut dire qu’il n’y guère qu’une solution pour résoudre le problème (à part multiplier les effectifs policiers par cent) : la légalisation ! Et le problème principal de la légalisation, c’est qu’il faut affronter l’opinion publique, mal informée et défavorable dans sa majorité à une mesure qu’elle interprète mal. Elle voit une mesure libérale là où il s’agit d’une action réaliste pour mettre fin à une économie souterraine et à tous les dangers qu’elle implique. Elle croit qu’une fois la légalisation du cannabis acquise, la légalisation des autres drogues sera envisagée. Elle croit aussi que fumer un joint est le premier pas vers l’enfer de la cocaïne et de l’héroïne. Il faut donc informer l’opinion, et la convaincre que ses enfants seraient bien moins en danger dans le cadre d’une vente légalisée du cannabis dans des endroits contrôlés par les autorités publiques.
Parmi les divers avantages d’une légalisation, on peut mentionner les suivants :
– Fournir des produits de qualité et donc moins nocifs. En effet, une part importante du haschich ou de l’herbe disponible sur le marché clandestin contient bien d’autres produits que le principe actif (le THC). Le haschich est souvent « coupé » avec du henné, du cirage, de la paraffine et quelquefois des produits beaucoup plus dangereux encore. Concernant l’herbe, il s’agit plutôt des parfums dans lesquels elle est immergée pour tromper le flair des chiens, ou des engrais utilisés pour sa culture. La nocivité de ces produits peut être de légère à considérable en fonction des substances. La légalisation aurait donc un effet extrêmement positif du point de vue de la santé publique, les produits disponibles à la vente légale étant, bien entendu, contrôlés par une veille sanitaire.
– Informer les consommateurs sur les risques auxquels ils s’exposent en fumant des joints. On pourrait par exemple inclure dans chaque sachet d’herbe ou de haschich un livret miniature exposant clairement les risques faisant l’objet d’un relatif consensus scientifique, ainsi que les condamnations auxquelles on s’expose, en cas par exemple de conduite en état d’ivresse cannabique. Cela constituerait un progrès particulièrement significatif par rapport à la situation actuelle. Il ne faut pas être diplômé en psychologie pour admettre qu’informer sur les dangers et ne pas interdire, est une attitude susceptible d’avoir beaucoup plus d’impact sur les adolescents qu’interdire et diaboliser. Les affirmations, encore courantes de certains soi-disant experts sur le cercle vicieux conduisant de la consommation d’un joint à l’enfer de l’héroïne ou de la cocaïne, ont l’effet inverse de celui qu’elles sont censées produire. Elles renforcent les jeunes dans leur conviction que les « adultes » ou les « médecins » sont « à côté de la plaque », et décrédibilisent de fait toutes les autres conclusions plus sérieuses et mesurées sur les effets nocifs du joint.
– Retirer au cannabis l’attractivité qui lui est conférée par l’interdit auprès de beaucoup de jeunes.
– Permettre à l’État d’encaisser les revenus de ce gigantesque marché, et de l’affecter à des causes de santé publique, comme la recherche et l’information sur les risques liés à la consommation de tous les types de stupéfiants, notamment l’ecstasy qui est certainement la plus grosse bombe à retardement de notre époque en termes de santé publique.
– Libérer les services de police et la justice de la charge de travail représentée par la poursuite et les condamnations des trafiquants et usagers de cannabis, leur permettant ainsi de consacrer plus de temps à la répression des autres trafics.
– Diminuer considérablement le nombre de faux chômeurs ou faux RMistes.
– Éviter que le commerce du cannabis constitue une échappatoire facile permettant à de nombreux jeunes de renoncer à l’école et à d’autres efforts d’adaptation sociale tout en gagnant bien leur vie.
– Couper l’herbe sous les pieds de toutes les mafias ou autres groupes clandestins qui s’enrichissent dans l’illégalité et financent des activités qui n’ont rien de républicaines.
Paradoxalement, c’est peut-être cette dernière conséquence qui fait le plus peur aux politiques et fait que la France est encore si éloignée d’une légalisation à terme inéluctable. L’économie souterraine du cannabis représente des sommes tellement considérables qu’elle améliore les conditions de vie de familles entières dans les banlieues. Une légalisation du cannabis mettrait ainsi fin aux revenus clandestins d’une population importante et « sensible » en France, ce qui implique des risques évidents de « réactions » et de tensions du point de vue de l’ordre public. Ces conséquences seraient néanmoins négligeables au regard des effets vertueux apportés à terme par la légalisation. Mais il faut pour cela une politique volontaire, courageuse, de long terme, autant de points qui sont de moins en moins compatibles avec les normes actuelles de la gouvernance dans notre pays.
Toutefois les tensions tant redoutées pourraient être évitées d’une manière très simple. Laisser la possibilité aux trafiquants actuels de monter en toute régularité leur point de vente, en réinjectant dans l’économie officielle les revenus de leur trafic. Bien entendu, un cahier des charges et des contrôles extrêmement fréquents seraient opérés par les autorités publiques, et la licence retirée immédiatement en cas de non-respect de la loi. Beaucoup d’aménagements sont à étudier, en s’appuyant notamment sur l’expérience Hollandaise.
Mais gageons que comme pour beaucoup d’autres problèmes en France, il nous faudra d’abord épuiser toutes les mauvaises solutions, ou supporter encore longtemps les conséquences de l’inaction, avant que politiques et opinion publique se rendent, avec beaucoup de retard, à l’évidence.
Texte extrait de l'essai "Pensées à rebrousse-poil" :
www.pensees-a-rebrousse-poil.com
It's hard to find educated people on this topic, however, you seem like you know what you're talking about! Thanks
Posted by: su tarea | September 16, 2013 at 04:00 AM
Pas au courant de ce que sont canabis, mais le chômage, c'est perdre votre chance de gagner l'argent, les amis et la vie sociale en interaction avec d'autres personnes.
Posted by: blackjack en ligne | February 09, 2012 at 03:34 PM
I don't really know where they getting at but it seems they really have something to say about it.
Posted by: technical writing jobs | January 30, 2012 at 03:00 PM
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Posted by: Mohamed | August 28, 2008 at 05:08 PM
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Posted by: Mohamed | August 28, 2008 at 05:02 PM