Tristement symptomatique de l’exception française, la façon dont a été traitée la nouvelle de l’exil fiscal en Suisse du plus populaire des chanteurs français. Un de plus parmi ces égoïstes non républicains qui refusent de partager leur gros gâteau ! Une occasion au passage de dénoncer une partie (toute petite, il faudrait plusieurs journaux télévisés pour tous les citer) des détenteurs de gros patrimoines qui ont quitté la France pour s’installer en Suisse, en Belgique, en Irlande…
Bien entendu, selon le prisme France 2, la classe politique est indignée dans son ensemble, de la gauche (bien sûr) à la droite en la personne de Jean-François Copé qui a préféré parler de jardinage plutôt que du fond du problème…
Savoureuse dissonance tout de même, la séquence télé-trottoir dans une file d’attente peuplée de fans de Johnny : bien sûr il ne fallait pas en attendre de l’hostilité à l’égard du rockeur national, mais le parfait unisson du concert spontané des interventions était révélateur : “Bien sûr, ce sont les impôts, il y en a trop, il a bien raison, si je pouvais je ferais pareil”
Merci aux fans de Johnny, parce que sans leur franchise il n’aurait pas été mentionné une seule seconde le problème à l’origine de l’exil de Johnny et de plus de la moitié de nos plus grosses fortunes. Car il s’agit, comme le mentionnait un intervenant en invoquant simplement la spécificité française, d’un phénomène unique en Europe, cette manie de quitter le territoire avec son argent gagné au travail. Aurions-nous donc les riches les plus égoïstes du continent ? C’est ce qu’adorent penser tous nos “solidaristes”, qui sont rarement ceux dont la solidarité remplit les caisses du fisc, et souvent ceux qui en bénéficient.
Ou aurions nous peut être l’impôt le plus stupide du continent ? Car derrière l’immense majorité de ces exils de talents, de compétences et de patrimoines, il y a trois lettres : ISF, pour Impôt sur la Fortune. Un impôt sur le capital qui pouvait représenter il y a peu encore jusqu’à 110 ou 120% de vos revenus annuels, et qui depuis l’instauration récente du bouclier fiscal ne ponctionne plus “que” 71% de vos revenus (en incluant la CSG), si votre patrimoine dépasse 750000 euros.
Exception française, qui fait que nous sommes le seul pays dont la population, confortée en cela par la majorité de la classe politique, ne parvient pas à comprendre qu’elle a tout intérêt a retenir ses grandes fortunes, et à attirer celles des autres pays. Les estimations ont le mérite d’être parlantes : nous perdons un gros patrimoine par jour ! Soit environ 365 grosses fortunes par an qui choisissent l’exil depuis 1996 !
Autant de capitaux qui ne bénéficient plus en France à la solidarité, à l’investissement, à l’emploi…
Pourquoi ne débat-on pas de l’ISF en France ? Parce que 70% de français sont pour son maintien ou son renforcement ! Parce que l’ISF est un poison inoculé dans la vie fiscale française par François Mitterand avec le commentaire suivant : “On va prendre les français par leurs petits côtés !”
25 ans que ce fléau nuit aux intérêts de la nation, et que la démagogie des uns et le manque de courage politique des autres font qu’il perdure en dépit de tout bon sens. Seuls quelques timides réformes ont permis d’atténuer sans faire disparaître les effets nocifs de cet impôt.
Espérons donc que l’exil de Johnny va contribuer a un véritable débat sur cette question, et si cela ne suffit pas, il serait fort utile que d’autres riches célèbres lui emboitent rapidement le pas avec force publicité : ils rendraient un service à la patrie !
Pour une étude plus complète du problème de l'ISF, reportez vous à l'ouvrage "Pensées à rebrousse-poil" :
www.pensees-a-rebrousse-poil.com
Autre exemple: la Suède fut un des premiers états européen à revoir son système de retraite en profondeur, et à le réformer.
Posted by: freelance writing jobs | February 10, 2012 at 02:44 PM
Par ailleurs, il serait aussi bon de crever, une fois pour toutes, le bobard du soi-disant modèle social "magique" des pays nordiques. Ainsi, les suédois ont tout mis en oeuvre pour réduire une dette publique qui était excessive au début des années 1990. L'administration a été largement décentralisée et privatisée, avec des agences semi-publiques ou à capital mixte, et largement autonomes et responsables (dans le cadre d'un contrat de gestion, l'état évaluant leurs performances). Il n'y a pratiquement plus de fonctionnaires au sens français du terme: les agents peuvent être licenciés (avec préavis), les échelles salariales générales ont été abolies, la grande majorité des salariés ont une rémunération individualisée, etc. .. Par ailleurs, le modèle social est également en train de changer dans tous les états scandinaves, et les dépenses sociales ont subi des coupes souvent importantes : même au Danemark, pays producteur et exportateurs d'hydrocarbures, connu pour sa générosité en matière sociale, le modèle de la protection sociale universelle est remis en question, et considéré comme "contre-intuitif" du côté des aspects redistributilfs. Autre exemple: la Suède fut un des premiers états européen à revoir son système de retraite en profondeur, et à le réformer.
Certes, les pays nordiques ont réussi, jusqu'à présent, à maintenir une bonne protection sociale, sans trop porter atteinte à la croissance économique, mais au prix néanmoins de coupes sérieuses dans les dépenses sociales et les dépenses publiques, car ils ne sont pas dogmatiques, et ils savent désormais qu'ils sont exposés au déclin, s'ils se contentent de vivre sur leurs acquits. Voilà pourquoi le modèle scandinave d'aujourd'hui est surtout un modèle en perpétuelle évolution, un modèle doté d'une grande capacité à se remettre en cause et à s'adapter au changement. Le haut niveau d'éducation, une vision plutôt positive et volontaire vis-à-vis du changement, une bonne confiance et une bonne estime de soi (sans excès, et toujours pondéré par un regard autocritique) doivent y aider.
Une seule chose est donc sûre, pour les scandinaves: le « modèle scandinave » à l'ancienne est fini. A l'origine de la grave récession économique de la fin des années '80 et de l'accroissement du déficit public à cette époque (qui mangeait toute marge de manoeuvre budgétaire) et absolument incapable d'y faire face, ce modèle est définitivement considéré comme non-viable, dépassé, périmé. Les scandinaves n'ont pas attendu qu'il soit devenu complètement invivable: ils ont tiré les leçons et passent à autre chose: ... le libéralisme.
Et leur combat pour le changement continue. Celui des français, lui, n'en finit pas de commencer...
Posted by: Naibed | January 16, 2007 at 01:44 PM
Merci pour vos commentaires.
Je répondrai dans l'ordre a M.Larcher et à Antoine.
Dire que ce n'est pas l'ISF qui fait la difference témoigne d'une profonde ignorance des mobiles qui poussent nos grandes fortunes à s'exiler. ISF mis à part, le taux d'imposition cumulé des hauts revenus est déjà de 60% en comptant la CSG, et sans compter toutes les autres taxations (impots locaux, TVA, droits de succession...).
Rappelons que selon la Constitution allemande, la Commission Européenne et le Conseil Constitutionnel français, l'impôt est jugé confiscatoire au delà de 50% des revenus. Autrement dit qu'il constitue une atteinte à la propriété, et donc à la liberté.
Avec l'ISF, le prélèvement annuel représente 71% des revenus du contribuable, et pour beaucoup il est la goutte qui fait déborder le vase. La preuve en est que beaucoup d'entrepreneurs s'exilent au moment de la vente de leur entreprise, étant exonérés d'ISF sur leurs parts tant qu'ils en sont détenteurs.
Venons-en maintenant à la théorie selon laquelle " l'ISF n'est qu'une incitation supplémentaire à maximiser le rendement de leur patrimoine" et selon laquelle "pour ceux pour qui il est confiscatoire, ce n'est que la traduction de leur incompétence à dormir sur un patrimoine inutile"... Cette théorie, que j'ai déjà rencontré, reflète une vision des choses dénotant à la fois d'une forte présomption et d'une totale ignorance de cet impôt.
Elle suppose en effet que celui qui la formule serait plus malin que tous les chefs d'entreprises de grande envergure, sportifs ou artistes qui ont choisi l'exil. Et plus habile que les conseillers fiscaux de premier ordre qu'ils ont les moyens de se payer. Mais c'est le propre des gens qui ne savent pas que de se croire plus malin que les autres.
Pour répondre à Antoine sur les gens du Nord, rappelons deux choses : les sociétés scandinaves fonctionnent sur un contrat social ou tout le monde a des devoirs et des droits, et ou il y a un relatif consensus et respect des accords passés de part et d'autre.
La France fonctionne encore sur un modèle de lutte des classes, ou les pauvres, les chômeurs et les fonctionnaires n'ont que des droits, et les créateurs de richesses les devoirs de payer toujours plus et de la fermer.
Ne nous étonnons donc pas que les comportements divergent quelque peu.
Malgré cela il y a bien des exils fiscaux depuis la Scandinavie, le plus célèbre étant celui du patron d'IKEA (vers la Suisse et certainement pas vers la France...pas fou ! )
Enfin, être contre l'ISF, et même être libéral ne signifie en aucune manière être contre les impôts pour une proportion variable (selon les contextes nationaux) de services régaliens et d'assistance aux plus faibles.
Rappelons donc sans cesse cette evidence si difficile à perçevoir pour beaucoup en France. L'impôt est prélevé sur la création de richesses. Au delà d'un certain niveau de prélèvement, les patrimoines et les capacités d'investissement s'exilent et les richesses vont se créer ailleurs. Si bien que les ressources disponibles pour le financement des routes, des hopitaux, des crêches, des écoles diminuent. C'est ainsi que les capacités d'investissements sociaux deviennent inférieures avec un taux d'imposition global de 70% sur les plus hauts revenus qu'avec ce qu'elles seraient avec un taux de seulement...30% ! Et c'est bien parce que les politiques sont incapables de comprendre, d'admettre ou d'expliquer ce paradoxe apparent que la France crée sans cesse de nouveaux pauvres, de nouveaux SDF, de nouveaux précaires et de nouveaux déficits...
Cordialement
Pascal Comas
Posted by: pascal comas | December 28, 2006 at 05:08 PM
La vraie question n'est pas pourquoi Johnny part en Suisse, à vrai dire on s'en fout un peu de sa feuille d'impôt, mais pourquoi les riches Danois, Suèdois, Finlandais ne viennent pas chez nous fuir leur pays : leurs taux d'imposition sont supérieurs à ceux de la France !
Vraiment pas malins, les gens du nord !!!
Amusant, le petit calcul du rapport imposition/revenus. Le collègue oublie les abattements, la progressivité de l'IRPP. Ce qui change substanciellement le résultat...
Les impôts, je suis ni pour ni contre, par contre je suis pour que l'on dise et décide des dépenses et de leur mode de financement. Vous voulez des hôpitaux avec des medecins et des infirmiers dedans, des routes, des écoles, etc, faut peut-être payer les gens et les bâtiments, non ?
Baisser les impôts, qui peut être contre ? Mais il faut dire clairement ce que l'on va supprimer comme dépenses ! Et là je crois que l'on va pas être d'accord !!
Cordialement,
Posted by: Antoine | December 28, 2006 at 03:12 PM
Bonjour,
Vous ne pouvez pas dire que Johnny quitte la France pour échapper à l'ISF.
Parce que:
1) il n'a pas été capable de devenir riche jusqu'à maintenant et c'est justement pour essayer enfin de le devenir qu'il s'en va; ne le comparez pas aux grands industriels
2) il faut savoir compter: quelqu'un comme Johnny paye au mieux quelques centaines de milliers d'euros d'ISF (et encore je suis sûr qu'il n'y arrive pas), alors que son impôt sur le revenu est de plusieurs millions, c'est ça qui va baisser en Suisse.
Vous ne pouvez pas lutter contre 30 fois moins d'impôt et ce n'est pas l'ISF qui fait la différence; pour la plupart des assujettis à l'ISF, ils payent plus d'impôts locaux que d'ISF!
Pour ceux qui savent gérer leur argent, l'ISF n'est qu'une incitation supplémentaire à maximiser le rendement de leur patrimoine et en ce sens il est économiquement valable.
Pour ceux pour qui il est confiscatoire, ce n'est que la traduction de leur incompétence à dormir sur un patrimoine inutile.
Posted by: larcher | December 24, 2006 at 10:03 PM