Il n'y a pas une pensée unique de la flexibilité, ou de la précarité, sauf chez certains faux libéraux à l'esprit court et à la pensée économique primaire. Le problème, surtout en France, est que l'on a l'esprit tellement formaté par la pensée unique social-démocrate, protectionniste et étatiste, que l'on n'arrive même pas à imaginer dans sa globalité ce que pourrait être une autre voie. Les entreprises, dans leur ensemble, n'ont aucun intérêt à se séparer d'employés qui travaillent correctement et qu'elles ont souvent mis du temps à former, ou qui connaissent bien les rouages de l'entreprise. En général, c'est plutôt le contraire : elles cherchent à retenir ces employés.
Trois situations en général sortent de ce cadre : salariés incompétents ou peu compatibles avec la culture d'entreprise, baisse importante d'activité, et réduction du personnel décidées par des actionnaires pour augmenter la rentabilité. Dans les trois cas, même le dernier, porter atteinte à la liberté de licencier est préjudiciable et constitue une atteinte à ...la liberté, dont les effets pervers sont bien plus importants que les effets directs positifs pour les salariés dans leur ensemble. Car en interdisant aux chefs d'entreprise, ou aux actionnaires, de gerer leurs biens de la manière qu'ils jugent la meilleure, on introduit une distorsion qui a entre autres conséquences l'effet de limiter les investissements en capital humain dans le pays, que ce soit des entreprises étrangères qui choisissent d'autres territoires, ou des entreprises françaises ou implantées en France qui limitent leurs embauches ou les rendent précaires pour ne pas être plombées et souvent acculées a la faillite en cas de difficultés. De plus, les réductions de personnel afin d'augmenter la rentabilité ont des limites naturelles : le facteur humain est incontournable et indispensable, et les entreprises qui dégraissent trop se retrouvent avec des employés surchargés et peu productifs, et avec des clients qui ne sont satisfaits, ce qui ne leur convient pas et les conduit à leur perte. D'autre part, une rentabilité gagnée sur ce plan, si elle est judicieuse, sera souvent compensée par un autre investissement créateur d'emplois par ailleurs.
Regardons maintenant les effets positifs de la liberté de licencier :
- des millions de PME embauchent tout de suite un à plusieurs employés (il n'y a aucun doute sur ce point) - moins de charges patronales et salariales pour financer la protection et le chômage : donc embauche là aussi plus attractive puisque les charges sont moindres sur les salaires
- un niveau de chômage qui baisse à 5%, soit presque le seuil minimum incompressible compte tenu des battements de temps nécessaires aux rencontres employé/ besoin employeur
- des allocations chômages qui peuvent être allongées compte tenu de la charge infiniment moins importante en nombre, donc plus de tranquillité pour les licenciés, mais surtout bien moins de difficultés a retrouver du travail, puisqu'il y a beaucoup moins d'offres sur le marché du travail. Phénomène que l'on peut constater dans les domaines de l'informatique ou de la restauration ou les travailleurs corrects sont très recherchés et dictent souvent leurs conditions.
- beaucoup plus d'investissements extérieurs en France, générateurs de richesses et d'emplois. Tout cela, ce n'est pas de la théorie, c'est presque une lapalissade ou une équation mathématique élémentaire. Prenons l'exemple du Danemark : aujourd'hui la liberté de licencier y est quasi totale : pour les salariés de moins de 12 ans d'ancienneté, l'employeur n'a aucune indemnité à payer (un mois de salaire entre 12 et 15 ans d'ancienneté, 2 mois entre 15 et 18 ans et 3 mois au-delà). Les courbes sont sans appel : entre 1993 et 1999, années d'accroissement progressif de cette flexibilité, le chômage a baissé de 60% au Danemark. Sachant qu'ils peuvent " dégraisser " sans obstacles et charges trop lourdes, les employeurs danois n'hésitent plus à embaucher. Ça c'est du concret ! Sans parler des multiples études montrant que la rigidité du droit du travail va de pair avec un taux de chômage élevé. Prenons l'exemple danois : un seul contrat, en CDI, pour tout le monde et une liberté totale de licencier en cas de baisse d'activité ou d'incompétence du salarié. Il ne fait aucun doute que de telles mesures régleraient efficacement les problèmes de chômage, de CDD, de stages et de précarité pour les gens qui veulent bosser.
Pour l'affaire du CPE en France, signalons que l'Unef, le principal syndicat étudiant en tête de l'opposition au projet, est depuis toujours lié au PS, et concurrencé par l'extrême gauche dans les AG. Qu'avec le CPE, la grande gauche a vu une occasion en or de mettre tout le monde dans la rue contre Villepin un an avant les élections, au détriment d'une réforme qui aussi timide soit-elle, peut offrir de réelles chances aux moins favorisés, ceux qui n'ont pas la chance de faire des bac + 5 et peinent a trouver un premier emploi. Ceux qui n'ont pas beaucoup de formation mais veulent bosser et n'ont aucune raison de se faire lourder sans motif s'ils bossent bien, parce qu'en général un chef d'entreprise n'est pas fou, et que les gens qui bossent bien se font rare.
A ceux qui opposent l'argument que la France n'est pas le Danemark on répondra qu'il y a une règle qui marche sous toutes les latitudes : lorsqu'un chef d'entreprise embauche un individu qui veut bosser et qui s'applique, il est content et il va tout faire pour le garder même si les temps sont durs ! Si l'individu ne veut pas bosser ou bosse mal, il n'est pas content et va souhaiter s'en débarrasser parce qu'il n'a pas monté une entreprise pour faire de l'assistanat social ou de la psychanalyse ! Et si on l'oblige a garder un individu qui bosse mal, ou qu'on lui fait payer très cher son licenciement, il n'est vraiment pas content. Et donc il embauche beaucoup moins et avec des contrats précaires pour ne plus se faire avoir. Aucune idéologie ici, mais de la psychologie et du réalisme. C'est incontournable et pas si difficile que ça à comprendre. Mais en France, même ça, ça ne passe pas !
L'analyse selon laquelle "il faut protéger les jeunes" sur le marché du travail comporte l'erreur fondamentale à l'origine de la plus grosse partie du chômage en France. Toutes les mesures de protection de l'emploi tendant à limiter la liberté de licencier (sauf conflit caractérisé employé/employeur du ressort des Prud'hommes) se retourne contre l'emploi. Les jeunes ne doivent pas être plus protégés que les autres. Ils doivent seulement, comme les autres, être aidés en cas de perte d'emploi. Pour le reste il faut un seul contrat, le CDI, avec une liberté totale de licencier hormis le cas cité ci-dessus, et surtout une simplification radicale du Code du Travail qui donne la migraine a tout le monde et est complètement anti-productif, que ce soit en termes économiques ou de réduction du chômage.