Intitulé volontairement provocateur pour cette note, dans l'esprit de "La vertu d'égoïsme" de Ayn Rand. Pourquoi ? Car dans la plupart des commentaires et analyses lus au sujet de l'ISF, et dans les pistes surréalo-technocratiques étudiées par nos gouvernants, on se préoccupe toujours du sort des classes moyennes "prises dans le filet de l'ISF alors qu'elles n'y sont pour rien" (Christine Lagarde) et presque jamais du sort des plus grands patrimoines, qui selon un esprit bien français n'ont qu'a payer toujours plus et se taire.
L'image choisie par Mme Lagarde est incroyablement révélatrice de la psyché collective de notre pays. Les pauvres classes moyennes doivent payer l'ISF alors qu'elles ne sont pas coupables... sous-entendu les plus riches sont coupables de quelque chose. Coupables d'avoir gagné trop d'argent, et sans soute créé trop de richesses et d'emplois. Que ce lapsus provienne d'une personnalité de droite, qui plus est un des rares membre du gouvernement issu du monde des affaires, laisse songeur. Et les gesticulations actuelles du gouvernement afin de trouver la formule impossible pour reformer l'ISF sans le supprimer ont un effet radical : les dernières très grandes fortunes, les quelques 3 a 5% qui restent, expriment leur ras-le-bol et envisagent à leur tour l'exil (plus de 95% des plus grandes fortunes on fui la France depuis 1981, et une bonne partie depuis 1996, c'est a dire depuis le coup de génie technocratique de déplafonnement du plafonnement de l'ISF instauré par un certain... Juppé).
Ainsi la droite, incapable d'assumer et d'expliquer aux Français les excellentes raisons en faveur de la suppression simple et définitive de l'ISF, n'a fait qu'ajouter à la confusion et la nocivité de cet impôt, dont l'institution et l'histoire sont intimement liés a ce très laid défaut des français : la jalousie. Mitterand, le grand Machiavel, avait vu juste en disant a Chevènement "On va prendre les Français par leur petits côtés". Depuis 30 ans cet impôt satisfait la jalousie du peuple à l'égard des plus aisés, et nuit considérablement aux intérêts du pays.
La difficulté a dénoncer et faire comprendre les effets incroyablement pervers de l'ISF tient au fait que les français ne comprennent rien au flux de l'argent ni à l'économie en général, grâce au formidable lavage de cerveau marxisant de notre système éducatif. Mais elle tient aussi dans le fait qu'il est très difficile d'exposer ses effets pervers en quelques lignes. On pourrait se risquer à une comparaison avec les conséquences des rayonnements radioactifs, en phase avec la tragique actualité du Japon ; chaque cas est particulier, en fonction de sa proximité avec la source, de ce qu'il a mangé, de comment il a colmaté sa maison, des spécificités de sa santé... et les conséquences peuvent apparaître 6 mois, 2 ans, 5 ans, 10 ans ou 20 ans après selon les cas... un vrai poison !
Pour rester dans les grandes lignes, rappelons donc les choses suivantes :
- le capital d'une grande fortune est constitué de biens (immeubles, actions, voitures...) acquis grâce aux revenus d'un travail qui ont déjà été taxés a plusieurs étages : impôt sur les sociétés, cotisations sociales et impôt sur le revenu pour les salaires, taxes sur les plus-values pour les actions, TVA pour les voitures...). Les fameux 50% du bouclier fiscal sont donc une inexactitude, car en réalité le revenu net restant après toutes les taxations par l'Etat, ISF inclus, de la richesse crée est de bien moins de 50%. C'est un véritable abus de droit ! Un racket institutionnalisé ! Même la mafia est infiniment plus généreuse !
- une grande fortune, ce n'est pas un Oncle Picsou avec des montagnes de pièces d'or enfermées dans une maison. La plupart des grandes fortunes sont des anciens entrepreneurs qui cherchent des investissements intéressants. Qu'ils investissent dans des fonds, des actions du CAC 40 ou des PME, ils participent aux besoins de financement de l'économie. Sans compter l'apport non quantifiable de leur expérience lorsqu'ils investissent dans de jeunes entreprises. Par ailleurs leurs dépenses profitent à l'emploi et rapportent des sommes considérables au titre de la TVA.
Il est de l'intérêt vital du pays non seulement de les garder, mais aussi de les attirer.
- beaucoup de gens aisés ont aussi un rôle social très utile, en donnant des sommes fort généreuses a des ONG ou autres organisations caritatives, en prêtant a des amis en difficulté, en finançant des projets humanistes ou qualitatifs non lucratifs, en achetant des oeuvres artistiques...
- ceux que nous avons perdus ou qui sont en train de préparer leur sortie ne reviendront pas. Un exil fiscal est aussi un exil physique. Il demande mûre réflexion, longue préparation, avec son lot d'angoisses (peur de l'inconnu, séparation de ses réseaux sociaux et liens familiaux...). Ce sont des décisions qui ne se prennent que poussé par un vrai ras-le-bol ! Et la manie de notre pays de pondre des lois rétroactives rend illusoire toute tentative de les faire revenir.
- enfin, pour ceux qui estiment qu'il est normal de prélever 85% ou 90% des revenus d'un citoyen, la question est : vaut-il mieux 30% ou 40% de beaucoup, ou 90% de rien ?
Tous les pays voisins de la France ont fait le constat de la nocivité de l'impôt sur le capital et l'ont supprimé. Plus encore ; l'Espagne supprime dans toutes ses régions l'impôt sur les successions malgré ses problèmes de budget.
Parmi les grosses erreurs de Sarkozy, il y a celle de ne pas avoir supprimé cet impôt dès son arrivée au pouvoir.
Quant à la gauche française, sa manipulation démagogique du sujet - comme des autres - ne mérite même pas l'encre nécessaire pour qualifier son attitude.
Nous avons la gauche la plus bête et la plus irresponsable d'Europe, et la droite la plus complexée et paralysée par le terrorisme intellectuel de la bien-pensance.
D'où la montée de Marine Le Pen, qui malheureusement n'apporte qu'un autre type de démagogie, plus nocif encore sur le plan économique. Il serait d'ailleurs très intéressant d'interroger la candidate du FN sur les questions économiques et sur l'ISF. Il est à parier que les réponses seraient très instructives quant à l'absence de substance de la vision économique de l'extrême droite.
Mais là aussi, au lieu d'aller en profondeur et de démystifier, les journalistes restent en surface et se joignent au coeur des indignés, renforçant en cela l'exaspération des français et l'attrait du Front National. Le serpent se mord la queue.
La France n'est pas prête de se relever.