Beaucoup de personnes s’interrogent aujourd'hui sur les réactions "irrationnelles" des marchés, et il y a de quoi. Alors que l'Europe et les Etat-Unis sont au bord de précipices budgétaires et en récessions plus ou moins admises ou camouflées (trucage des chiffres aux USA), les indices Dow Jones, SP 500 ou CAC 40 continuent a progresser comme si tout allait bien.
Il y a une vraie absence de corrélation entre l'amoncellement de nuages dans le ciel et le comportement des principaux opérateurs de marché, au point que la dégradation de la note de la France n’entraine aucune réaction, etant même suivie le jour même d’une progression du CAC 40.
Preuve en est, selon les anticapitalistes de tous poils, que la théorie de l’efficience des marchés est fausse, et que le capitalisme est dépourvu de boussole. Notons que les mêmes pourfendent aussi la «dictature des marchés» lorsque ceux-ci font office de baromètres efficaces et mettent la pression sur les gouvernements... mais nous savons que les «anti» (capitalisme, libéralisme...) ne sont pas a une contradiction près.
Il y a pourtant une grille d’interprétation qui permet de bien comprendre les forces paradoxales qui sont à l’oeuvre.
Comme nous le savons la plupart des investisseurs particuliers sont aujourd’hui à l’écart des marchés actions, jugés a juste titre trop dangereux compte tenu de la volatilité actuelle.
Les mouvements sont donc presque exclusivement le fait de gérants de fonds professionnels (Hedge Funds, compagnies d’assurances, banques, fonds d’investissements...).
Parmi ceux-ci nous pouvons distinguer 3 profils différents :
- une minorité de gérants qui ont les pieds sur terre et sont pessimistes dans le contexte actuel (Delamarche, Carmignac...)
- un grand nombre de gérants ayant été formés dans des universités dans lesquelles les théories keynésiennes sont archi-dominantes. Pour ceux-ci la monétisation de la dette est le rempart a toutes les crises, et la mutualisation des dettes européennes la solution aux problèmes du vieux continent. Ils font donc preuve d’un optimisme béat et sont acheteurs dès que la valeur des actions atteint un certain seuil.
- les pragmatiques, qui sans être keynésiens, sont hyper lucides sur les données de l’échiquier actuel qui est le suivant : la plupart des dirigeants actuels sont des keynésiens (Obama, Bernanke, Hollande, Monti...). Seuls les allemands fond de la résistance (le cas de l’Angleterre étant un peu plus complexe). Et même en Allemagne ça pousse à gauche. Les pragmatiques savent que chaque mauvaise nouvelle va être suivie d’une déclaration à même de rassurer les marchés à base de Quantitative Easing ou autre relance par la consommation. Il suffit de voir comment la petite phrase de Mario Draghi en juillet a permis a tous nos hommes politiques de passer un mois d’aout serein avec des marchés sous morphine, très loin du stress du mois d’août 2011. Les pragmatiques donc, sans être keynésiens, surfent sur les injections de morphine des banquiers centraux et des bonimenteurs politiques.
La grande majorité des opérateurs de marchés orientent ainsi leurs choix d’investissements en fonction de critères keynésiens.
Voici donc comment l’ «irrationalité des marchés» et la soit disant perte de boussole du capitalisme ne sont en fait que la traduction des effets pervers du biais keynésien dans les affaires économiques et dans les grands équilibres des nations. Les marchés naviguent en eaux troubles, mais ces eaux sont troublées par les faux signaux envoyés de toutes parts par les apprentis sorciers étatiques (taux d’intérêts, création monétaire, déclarations mensongères ou trompeuses, truquage des statistiques économiques...)
Ainsi les keynésiens jouent-ils a la perfection le jeu des sauveurs du pauvre peuple victime des méchants marchés, tout en préparant la ruine du même peuple a travers l’absence de croissance, l’endettement, l’inflation, le chômage et bientôt la faillite pour certains pays. Mais à l’arrivée ce sera toujours la faute du capitalisme et du libéralisme, car nos journalistes et professeurs veillent a entretenir le mantra et a programmer les esprits.