La volatilité est de retour sur les marchés. Ce qui est étonnant, c'est qu'elle ait été absente aussi longtemps, endormie qu'elle était par les injections de liquidité de la FED et les petites phrases de Mario Draghi. Seulement voilà, toutes les bonnes choses ont une fin, toutes les cuites sont suivies de gueule de bois, et toutes les drogues entrainent une dépendance laissant le choix entre le sevrage douloureux ou une nouvelle dose, repoussant le problème a plus tard et promettant un sevrage plus douloureux encore.
Pour des raisons diverses les marchés ont souvent pu paraître irrationnels ces derniers temps. Mais leur fébrilité actuelle est bien rationnelle, et atteste de leur perception de la situation particulièrement instable et préoccupante de l'état économique et financier de la planète. Il y a une sorte de schizophrénie globale, avec d'un côté une majorité d'économistes annonçant la fin de la crise et les signes certains d'une reprise mondiale, de journalistes conseillant d'investir sur des marchés offrant un vaste choix d'actions "peu valorisées", et de l'autre cette sensation que tous les opérateurs "initiés" sont en alerte rouge.
Au lieu de refléter des fondamentaux, les marchés sont suspendus aux déclarations des banquiers centraux et des hommes politiques, comme le reconnait Geoffroy Hu, FX strategist chez UBS : "Suivez religieusement les -déclarations- des politiques. Ce sont eux qui font bouger les marchés en ce moment" (City AM du 11 juin 2013)
Cette fébrilité est accentuée par les progrès de l'informatique, dont les avancées provoquent des bouleversements et changent les repères. Des sociétés comme Streambase ou Lexalytics travaillent sur des logiciels très élaborés de sémantique afin de détecter en temps réel les “sentiments” collectifs procédant de la multitude de messages publiés sur Twitter, Facebook, des blogs et des sites internet d’entreprises (Text Analytics & Sentiment Analysis Software for Social Media Monitoring)
Le 23 avril 2013, les marchés ont violemment plongé lorsqu'un compte Twitter piraté a annoncé des explosions a la maison Blanche.
Sur un autre plan, une observation attentive des graphiques en temps réel de cotation boursière nous apprend que de nombreuses cotations de marchés très distants sont étrangement reliées entre elles. On a pu voir dernièrement les fortes consolidations du Nikkei japonais entrainer dans son sillage les bourses européennes et américaines. Mais si l’on va dans les détails et que l’on se place dans un contexte plus neutre, c’est à dire hors sentiment macro-économique global, on constate également que dans une journée normale, le CAC 40 oscille en coordination quasi-parfaite et simultanée avec le S&P500. A plus petite échelle encore, on observe qu’une société comme Veolia Environnement, dont l’activité aux Etats-Unis est mineure, voit sa cotation progresser lorsque le S&P 500 progresse et baisser lorsque le même indice baisse. La simultanéité des mouvements conduit a écarter tout de suite l’intervention humaine. Ce sont donc des ordinateurs qui sont aux commandes, suivant des algorythmes qui vraisemblablement passent des ordres d’achat ou de vente sur Veolia (et autres sociétés du CAC 40) selon les directions des indices américains. Cela nous indique que les marchés sont infiniment plus interdépendants et moutonniers que l’on pouvait le supposer, et que le mouvement violent d’un indice peut avoir un effet déstabilisateur sur des marchés trés éloignés, et sans le filtre de l’interpretation humaine.
Pour revenir au cas du Japon, une remontée des taux obligataires a provoqué un violent mouvement de baisse des actions (7,4% en 3 jours, 6% en une seule journée) entre le 11 et le 13 juin dernier. Cela atteste de la fébrilité des opérateurs, qui ont le doigt sur le bouton “vente”, pendant que les grand prêtres keynésiens Krugman et Stiglitz louent la politique suicidaire de Shinzo Abe, le premier ministre japonais.
Autre exemple, dans un rapport récent Gavekal Research montre que depuis 2009 l'indicateur des US nonfarm payrolls (RHS - indicateur clé de l'emploi US) est celui qui a le plus influencé la direction des marchés mondiaux, avec une corrélation encore plus forte pour les marchés européens et asiatiques que pour les marchés US eux-mêmes.
Nous sommes donc en présence d'un système extrèmement interconnecté, vulnérable et fébrile qui souffre de distorsions permanentes. A l'origine de ces distorsions et de cette vulnérabilité nous pouvons définir trois grandes causes :
- les interventions des politiques et des technocrates dans les processus naturels du marché et ses équilibres fondamentaux,
- la collusion entre les intérêts des politiques et des grandes banques
- la proportion énorme prise par des instruments financiers complexes et par le trading a haute fréquence (THF)
Dans le dernier cas, les politiques ne sont pas à l'origine du problème, mais ils sont soit absents de son traitement, soit très lents dans l'application de solutions. En France l’AMF a déjà alerté des dangers du THF (
http://www.amf-france.org/documents/general/9905_1.pdf) qui représente aujourd’hui 30 à 35 % des transactions réalisées en Europe et 50 à 60% des transactions réalisées aux Etats-Unis. Le THF serait à l’origine du mini krach de Wall Street ayant vu le Dow Jones plonger de -2 à -10 % sur quelques minutes en mai 2010.
Concernant les produits financiers, un seul exemple suffira à démontrer le caractère préoccupant de la situation : la seule Deutsche Bank totalise 55 600 milliards d'euros de produits dérivés, a comparer aux 2 700 milliards d'euros de PIB de l'Allemagne !
Sur le second point, nous avons droit en ce moment a une jolie chorale pan-étatique sur les horreurs économiques endurées par nos sociétés par la faute des méchants paradis fiscaux, avec force mobilisation internationale. Et pendant ce temps c'est Singapour qui porte plainte contre les banques ayant manipulé les taux de changes. Les politiques n'ont pas vu venir le scandale du LIBOR, ferment les yeux sur la manipulation des marchés des métaux précieux (quand ils n'en sont pas à l'origine), ne relèvent même pas le problème des manipulations sur les taux de change, n’ont toujours pas rétabli la séparation entre les banques de dépôt et les banques d’affaire, mais mobilisent une énergie extraordinaire pour s'attaquer au seul "problème" des paradis fiscaux.
Et pourtant ceux-ci ne sont pas plus responsables de la crise actuelle que le capitalisme ou le libéralisme ! Pour soutenir encore cela il faut être soit particulièrement ignorant soit de très mauvaise foi.
Les déclencheurs de la crise que nous vivons ont été maintes fois analysés et exposés :
- l’intervention de l’Etat dans les équilibres économiques (obligation faite aux banques américaines de prêter a des gens non solvables pour acquérir une maison, taux d’intérêts maintenus artificiellement trop bas par la FED),
- des magouilles bancaires et contractuelles avec l’aide des mathématiciens (subprimes),
- l’endettement excessif des Etats européens suite a des politiques keynésiennes irresponsables et électoralistes.
Sur le premier point, citons Charles Gave qui explique qu'après Greenspan qui a commis l'erreur de maintenir des taux négatifs trop longtemps, "Bernanke prend la suite et c’est certainement le banquier central le plus aventureux que l’histoire ait connu. Non seulement, il maintient les taux réels négatifs, mais il se lance dans une série d’expérimentations sans précédents, tant et si bien que nous n’avons plus de prix de marché ni pour les taux courts, ni pour les taux longs, ni même pour le taux de change du Dollar US. Comme il s’agit la des PRIX les plus importants dans le système des prix mondiaux, cela veut dire que tout les systèmes des prix sont irréels et déterminés in fine par un banquier central omniscient. Bienvenue en Union Soviétique." (
http://institutdeslibertes.org/le-role-des-banquiers-centraux-petit-rappel-historique/)
La question est donc : peut-on continuer à laisser les marchés à la merci de technocrates et de politiques, qui soit les abreuvent de faux signaux par leurs politiques interventionnistes, soit faillissent a être présents là ou des contrôles ou certaines réformes seraient éminemment nécéssaires ? Et peut-on accepter qu’à l’incompétence, au mensonge, à la manipulation, aux interventionismes destabilisateurs s’ajoutent l’inquisition et les atteintes a la propriété et aux libertés ?
Nous voyons en ce moment de quelle manière la crainte du terrorisme a fourni un cheval de Troie en argent massif aux Etats pour réduire les contours de notre vie privée. De la même manière, les soubresauts économiques et sociaux actuels et ceux qui ne manqueront pas de résulter de la situation que nous venons de décrire, leur permettent d'invoquer les dangers des marchés sans contrôle pour acquérir les moyens de surveiller, limiter, taxer ou interdire les moindres mouvements de capitaux... Le mouvement, on l’a vu, est déjà bien entamé.
Tout sera fait pour limiter la liberté d'acquérir certaines valeurs de protection (or, argent, autres métaux...), la possibilité de protéger ses biens par l'anonymat, ou de choisir des contrées moins liberticides (exit tax, chasse aux paradis fiscaux, attaque en règle de pays comme la Suisse...)
Ils ne faut pas voir autrement l’offensive contre les paradis fiscaux, peu déstabilisatrice pour les grandes banques, alors que celles-ci souffreraient pour la plupart du traitement et des sanctions apportées aux vrais problèmes.
L'opinion publique, qui seule peut remettre en cause les fondements de cette association de malfaiteurs, est passive car dans le brouillard. Elle est téléguidée, manipulée avec la complicité d'une presse aux ordres ou au mieux complaisante. Tant que les citoyens ont le sentiment que ce qui leur arrive est de la faute des marchés, des paradis fiscaux, du capitalisme, des riches, et surtout qu'elle est quelque peu réconfortée par le fait que ces salauds de riches vont payer, ils ne manifestent leur colère que dans des limites acceptables. Ils font souvent face a de grandes difficultés, mais la plupart ont le sentiment que les Etats font quelque chose, et que les fautifs sont - quelquefois - punis.
Peu importe que les optimisations fiscales de Google ou Starbucks Coffee n'aient que peu d'impact sur leur quotidien, ou que les entrepreneurs étranglés par les charges et les impôts ne soient pas les responsables de la crise actuelle, et soient au contraire leurs meilleurs alliés, voire leur unique planche de salut. L'important est qu'il y ait des riches et qu'ils paient !!
Pendant ce temps aucun politique ni aucun banquier n'a de comptes à rendre. A ma connaissance il n'est question qu'en Angleterre d'introduire des mesures sanctionnant les banquiers,
dans un rapport parlementaire de la Banking Commission dont les préconisations sont d'ailleurs totalement inadaptées à la réalité du monde de la banque et des affaires en général.
Une sanction exemplaire comme celle de Madoff, franc-tireur Ponzien non homologué auprès de la grande confrérie Ponzienne, brouille les pistes. Signalons à ce propos que les trois juges d'une Cour d'Appel de New York viennent de débouter avec une parfaite unanimité la demande de dommages et intérêts de 30 Milliards de dollars du représentant des victimes contre les banques JP Morgan, HSBC, UniCredit SpA et UBS.
Les mêmes politiques qui n’assument aucune conséquence pour leurs mensonges patentés ou leurs choix éléctoralistes et irresponsables, préparent aujourd’hui des lois qui permettront de condamner jusqu’a 7 ans (!) de prison ceux qui ont choisi de soustraire leur épargne aux griffes du Léviathan. 7 ans de prison pour avoir défendu son droit de propriété et soustrait quelques deniers aux folies dépensières d’énarques incapables, et acquittement total pour des choix ou des absences de choix politiques ayant des conséquences désastreuses pour de vastes pans de la population ?! 7 ans de prison pour fraude fiscale, alors que des violeurs sont souvent condamnés a des peines de seulement 2, 3 ou 4 ans, rarement effectuées en totalité ?! Nous atteignons ici la pire extrémité d'une politique exclusivement soucieuse de gagner des points de popularité en satisfaisant les pulsions d'envie et de frustration d'une population conditionnée par les mantras égalitaristes.
Mais face a cette situation que peut-on faire ? Quelle est l’alternative ?
Qui peut décider des choix les plus adaptés pour remettre les économies sur les rails ? Les mêmes économistes de cour qui dans leur grande majorité ont conseillé et continuent de défendre les politiques qui nous ont mené au bord de l’abîme ? Alors que le libéralisme est la seule voie qui aurait permis d'éviter cette connivence Etats-grandes banques, d'épargner a des millions de citoyens les situations douloureuses qui sont les leurs actuellement.... c'est encore lui qui se retrouve sur le banc des accusés, coupable tout désigné de ceux qui manipulent pour leurs intérêts financiers ou politiques les rouages du capitalisme.
Le mot clé est ici la responsabilité. La responsabilité est, avec le droit et la liberté, au centre de la philosophie libérale, et au centre du capitalisme. Un chirurgien, un constructeur, un restaurateur sont responsables des fautes qu'ils peuvent commettre dans l'exercice de leur activité. Il est inconcevable qu'un chirurgien qui a laissé un ciseau dans le corps d'un patient, un constructeur qui a utilisé des matériaux de qualité inférieure aux normes en vigueur, un restaurateur qui a servit de la viande avariée, ne soient pas inquiétés.
Mais un politique qui ne tient pas ses promesses, qui prévoit un taux de croissance a 1,8% pour pouvoir dépenser plus lorsque tout le monde sait qu'il pourra a peine atteindre 1%, qui détruit le marché immobilier comme Cécile Duflot le fait en ce moment, qui fait porter un boulet au pays avec les 35 heures ou ment sur sa déclaration d'impôts n'est jamais inquiété. Dans un monde ou tout est devenu relatif, ou tout est affaire de point de vue et non d'analyse rigoureuse, ou la morale prime sur le résultat, et ou de toute façon les chiffres sont trafiqués, les faits sont sujets a des manipulations et à des interprétations malléables à l'envie par ceux qui entretiennent la pensée dominante.
L'école autrichienne d'économie a depuis longtemps analysé, dénoncé et annoncé les conséquences des politiques keynésiennes, et elle nous offre une grille de lecture évidente
pour interpréter les soubresauts actuels et les sorties possibles. Mais ce sont les keynésiens qui mènent toujours la danse car ils offrent aux politiques les solutions les moins responsables, aux économistes les solutions les plus planificatrices, et aux journalistes les solutions les plus faciles a digérer et répéter bêtement.
Faut-il alors se résoudre à attendre l’explosion des bulles, les défauts des Etats (qui seront d’autant plus douloureux qu’ils ont été retardés a grands frais), le pillage en règle des épargnants et l’explosion du chômage et du nombre de personnes en situation désespérée ? Alors que la gangrène aurait pu être arrétée en coupant un orteil, elle a déjà envahi les deux jambes. Va-t-on attendre qu’elle atteigne les organes vitaux ?
Et étant donné qu’une catastrophe en entraine souvent une autre, faudra t-il voir en France les extrémistes anti-capitalistes comme Mélenchon ou Marine Le Pen profiter de la colère du peuple et de la désignation des éternels faux coupables par l’intelligentsia de gauche ?
Il y a aujourd'hui urgence à percer la chape de plomb du terrorisme intellectuel et permettre aux citoyens de comprendre que les responsables de cette crise qui est loin d'être finie, ne sont pas "les riches" que l'on pille ou fait fuir, ni le capitalisme, ni le libéralisme, mais des membres de trois groupes qui ne paient jamais pour les conséquences de leurs actes : les politiques, les technocrates et les banquiers "too big to fail" !