Article publié sur Contrepoints sous le titre "Libéraux, il est temps d'agir !"
Les événements qui se succèdent en France ces derniers temps sont un véritable cauchemar pour tous ceux qui se sont construits sur le socle des Lumières et des Droits de l’Homme. S’exprimant sur le triste projet de loi relatif au renseignement, le bâtonnier de Paris Pierre-Olivier Sur écrit dans Le Monde “Il est temps que les Français comprennent la nature réelle de ce projet de loi et qu’ils fassent confiance à tous les défenseurs des libertés publiques qui se sont insurgés contre ces mesures, toutes tendances politiques confondues. Parmi eux citons notamment l’Union syndicale des magistrats et le Syndicat de la magistrature, la CGT-Police, Marc Trévidic – ancien juge anti-terroriste, Jacques Toubon – défenseur des Droits, Jean-Marie Delarue – président de la Commission nationale des interceptions de sécurité (CNIS), Isabelle Falque-Pierrotin – présidente de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), le Conseil national du numérique (CNNum). Mais aussi la Ligue des droits de l’Homme (LDH), Human Rights Watch, Amnesty France et le Syndicat national des journalistes (SNJ), sans oublier le New York Times qui a appelé les parlementaires français à ne pas voter cette loi.”
En ce qui concerne les libéraux, le PLD a bien sûr pris position fermement contre cette loi. Au delà de la réaction a cet événement particulier, les libéraux sont en général tres actifs de multiples manières, en particulier sur les terrains de la réflexion, de l’analyse et de la vulgarisation des principes libéraux. Certaines initiatives remarquables comme celle du Collectif Antigone s’attachent a diffuser ces principes aussi bien dans la rue (affiches) que sur les réseaux sociaux.
Pourtant rien ne semble parvenir a mobiliser une quantité critique de citoyens en faveur de la defense de nos droits fondamentaux qui sont aujourd’hui bafoués dans le plus grand mépris par les autorités. Au suicide économique dont est victime la France depuis des décénnies, il faut a présent ajouter une véritable descente aux enfers en matière de libertés.
Il est extrèmement difficile pour les français lucides d’envisager que rien ne puisse arriver de positif et de se résigner a contempler la déchéance totale de leur pays. Ils espèrent que leurs compatriotes vont se réveiller, ou peut être qu’un homme providentiel nous sortira de ce cauchemar.
Nos chroniques, quant à elles, sont pessimistes et ne laissent pas beaucoup d’espoir. Nous pensons en effet que le plus probable est que la France ne deviera pas de sa trajectoire fatale et ira jusqu’au bout de son destin absurde. Sur le plan économique les réformes nécéssaires, si elles adviennent, seront forcées par des réalités bien plus cruelles que celles qui s’imposent actuellement, et dans des conditions bien plus douloureuses que si la nation avait fait ces choix difficiles ces dernières décénnies.
Mais parler de réformes est encore trop optimiste. Nous pensons qu’il n’y aura pas de réformes, en tout cas pas de sérieuses et suffisantes. Quant a l’anticipation de Houellebecq sur la conversion de la jeunesse française au libéralisme dès les environs de 2020 (“Soumission” p.153 - Flammarion) elle nous parait beaucoup moins réaliste que celle d’un Président musulman en 2022, même si nous sommes convaincus que la majorité de ceux que l’on appelle les jeunes défavorisés se satisferaient bien mieux d’un environnement libéral que du paysage actuel décourageant tout réel projet d’entreprise.
Notre avis est donc que lorsque notre systeme étouffant et liberticide implosera, deux scénarios se dessineront :
- le scenario pessimiste sera une mutation vers une forme de dictature totale (a la différence de la dictature technocratique partielle actuelle).
- le scénario optimiste sera une remise a zero sur les débris de la faillite, du chaos et peut être de la guerre, civile et/ou extérieure. Les principes libéraux pourront alors reprendre leur place naturelle et incontournable, mais peut être dans un contexte initial de Far-West, qui contraitement a ce que pensent les ignorants n’a rien avoir avec le libéralisme, basé sur le droit.
Les premières raisons qui nous conduisent froidement a considérer l’ineluctabilité de l’un de ces deux scénarios sont connues. Contentons nous de les rappeler brièvement.
Tout d’abord, le fil conducteur de la politique de François Hollande qui est limpide de simplicité : protection absolue de ses bases électorales les plus solides et souci de ne toucher a rien sinon à la marge. Les deux catégories de populations bénéficiant de cette protection sont les fonctionnaires et les masses d’assistés que compte l’hexagone.
En ce qui concerne les fonctionnaires, pas question de toucher à leur nombre et à leur statut ! Dans un pays au bord de la faillite et croulant sur les dettes pas question de remettre en question un ratio de 90 agents publics pour 1 000 habitants (contre 50 pour 1 000 en Allemagne, pays notoirement sous-administré).
Concernant l’assistanat, relevons seulement que dans un pays crevant de son égalitarisme et de ses dépenses sociales, il est encore question de prendre toujours plus aux “riches” et de distribuer toujours plus aux bénéficiaires de prestations sociales ou d’éxonerations fiscales, cette obsession étant remarquablement résumée dans la déclaration surréaliste du Président proposant en octobre 2014 que la prochaine réduction d'impôts concerne "celles et ceux qui ne sont pas imposables" sur le revenu (?!)
Ajoutons à l’ardoise le renforcement de la protection des intermittents du spectacle le milieu artistique étant comme on le sait peuplé de bisounours et faisant office de courroie indispensable de la propagande socialiste auprès de la jeunesse. Et bien sûr aucun serrage de vis envisagé sur les 1,2 milliards de subventions déversées chaque année, et arrosant généreusement de multiples associations militant à gauche ou servant a améliorer les conditions de vie extrèmement pénibles des fonctionnaires, comme l’Association pour le logement des personnels de l’administration financière, ou “Education et plein air finances”, autre association destinée cette fois aux vacances des personnels de l’administration fiscale.
La France se trouve dans la situation tragique ou la masse des populations profitant du systeme actuel ou pensant qu’elles ont trop a perdre d’un changement représente une quasi majorité, ou peut être même une majorité n’étant menacée que par les mécontents du moment. Voilà pourquoi Hollande a le déshonneur d’envisager un deuxième quinquennat malgré son bilan catastrophique : il pense que s’il arrive a tenir bon sur le maintien des dépenses ou les politiques en faveur des bénéficiaires de la manne étatique, il aura en support la quantité critique de votants dont il a besoin. En cas de désistements il suffira d’en enfumer quelques autres avec des promesses adaptées aux sujets brulants de 2017.
Voilà pourquoi, loin d’envisager la moindre réduction du périmetre de l’Etat, le gouvernement actuel accentue la repression fiscale tout azimuth, et lance les soldats de Bercy sur tous les fronts : comptes à l’etranger, traque des vendeurs de bien sur internet , restrictions sur le cash.... Sans oublier la cession bien commode des parts de l’Etat dans les entreprises avec un objectif de recettes de 16 milliards d’euros, histoire là aussi de pouvoir gagner du temps tout en prétendant qu’on désendette le pays.
Peu importe que les faits soient éloquents : comme l’expose Louis Rouanet dans un article pour le Mises Institute, depuis 2009 la France et l’Angleterre ont mené des politiques économiques completement opposées. La France a augmenté les taxes et n’a pas touché aux dépenses de l’Etat et le Royaume -Uni a fait le ciontraire. Entre 2010 et 2013 le RU a réduit son déficit structurel plus que n’importe quelle autre économie avancée (4,7% du PIB). L’économie française a stagné alors que le RU a vécu une forte reprise. Les dépenses publique en France sont plus élévées a présent de 11 points de PIB. De décembre 2009 a décembre 2014, en Grande-Bretagne, le nombre d’employés du secteur public est passé de 6370000 a 5397000 alors que l’emploi global a progréssé de 1700000. En France le nombre d’employés de l’Etat n’a pas céssé d’augmenter et le taux de chomage bas des records.
Pourtant, ceux qui sont au fait des réalités économiques ne donnaient pas cher des chances de Hollande face à la situation économique de la France et de l’Europe. Le pays est en sursis depuis bien trop longtemps et la moindre remontée des taux d’intérêts signe sa faillite. Mais c’était sans compter sur la détermination des élites financières internationales qui ont décidé de retarder a tout prix l’inéluctable a force de QE et de taux d’intérêts aujourd'hui négatifs. Le cycle long des plans de la kleptocratie mondiale et le cycle moyen des objectifs des forces dominantes dans l’hexagone sont en phase. Et chaque mois, chaque année de gagnée face a l’inéluctable rendront le “reset” plus douloureux pour les populations, exactement comme avec une gangrène.
Il est urgent d'agir mais les faits, aussi convaincants soient-ils, ne valent rien contre l’alliance de l’idéologie, du cynisme le plus abject et du relativisme permanent, et ce sont bien là les raisons de notre pessimisme. En France, pays de débats s’il en est, le débat est devenu inutile. En France, pays de penseurs s’il en est, la pensée intelligente et argumentée n’a plus de valeur.
Les libéraux déploient des efforts admirables pour décrypter les événements actuels à la lumière de brillantes analyses, notamment celles inspirées de l’école autrichienne qui offre sans doute la meilleure grille de lecture sur les faits économiques depuis la fin du XIXe siècle. Ce travail est eminemment nécéssaire et utile, mais suffira t-il a convaincre une masse critique de la population ? Il nous parait évident que non, pour les raisons suivantes :
LA FOI
Les socialistes, communistes, étatistes, structuralistes, marxistes, sociaux-démocrates, centristes, bref, tous ceux qui vouent un culte a l’Etat ne peuvent être convaincus par le moindre argument, aussi imparable soit-il, qui ne soit pas en faveur du «modèle social» français... Leur conviction est du domaine de la croyance, non de la rationalité. Le socialisme est un acte de foi. Ces fidèles sont convaincus de défendre le «bon» modèle, et partant de là tout argument en défaveur de ce dernier est jugé comme mauvais, indéfendable et écarté d’office. Ceux qui ont l’illusion de croire qu’ils peuvent ébranler un tant soit peu les convictions de ces apôtres avec des analyses, des études, des textes argumentant a partir de données concrètes et vérifiables se berçent d’illusions. D’abord parce que 90% de leurs interlocuteurs ne prendront même pas la peine de consulter les documents proposés, rejetés d’office comme une vulgaire propagande. Leur conviction est telle qu’ils jugent parfaitement irrecevable toute contradiction (en général ce sont les mêmes qui vont traiter leurs adversaires d’intolérance). D’autres ignoreront les mêmes textes parce qu’ils ont peur d’y trouver des arguments qui pourraient ébranler les certitudes dans lesquelles ils sont lovés, bien au chaud, depuis tellement longtemps.
Imaginez comme il doit être angoissant pour le bobo parisien d’imaginer qu’un jour la routine de son Libé-café pourrait ne plus bercer sa douce existence de soldat du bien...
L'ENVIE
Sans aucun doute le plus vilain défaut des français, l'envie, est l’atout majeur de la gauche. Quel délice que de donner par son vote à l’Etat, qui a le monopole de la violence, le pouvoir de se servir dans l’épargne ou les revenus de ces salauds de riches, le tout en jouissant de la béatitude de faire partie du camp des généreux. Si en plus on fait partie de ceux qui bénéficient des mannes de la redistribution, c’est une opération triplement gagnante !
LE RELATIVISME
Pour ceux qui n’ont pas assez de foi ou de jalousie, les intellectuels de gauche ont forgé un bouclier redoutable contre toutes les attaques de la raison : le relativisme ! Car c’est bien cela la plus grande victoire de la gauche : avoir formaté l’écrasante majorité des cerveaux a évoquer le relativisme a chaque fois que des faits ou des arguments puissants viennent menacer leurs confortables convictions structuralistes. A quoi sert la raison, a quoi servent les faits lorsque tout est affaire de point de vue, de culture, de valeurs ? Peu importe la rigueur, la pertinence des arguments présentés : ils ne représentent qu’un «point de vue» qui n’a pas vocation a l’emporter sur un autre dans ce monde de bisounours tous rouges ou l’égalité doit s’imposer jusqu’à la valeur de toutes les pensées, de toutes les interprétations, de toutes les cultures et de tous les individus.
Dans un monde ou il n’y a plus que des droits, les notions de valeur ou de devoir perdent toute importance. Puisque les hommes naissent égaux en droit, et que cela est bien le seul terrain ou l’on puisse revendiquer une égalité totale sans peur d’être confronté, la gauche a crée un monde dans lequel il n’y a plus que des droits.
LE CYNISME
Aussi candides soient-ils, les hommes en place ne sont pas tous des Ségolène Royal, le sourire béat en étendard et un neurone par proposition réaliste. Certains se rendent bien compte qu’ils patouillent, qu’ils font dans le n’importe quoi. Ils voient bien que les gens plus informés ou plus compétents qu'eux sont éberlués par leurs bêtises. Normalement toute cette bande de guignols devrait être en dépression avérée, en incapacité de travail, en démission. Ils devraient être comme l’imposteur s'étant fait passer pour un capitaine de paquebot alors qu’il n’a jamais manoeuvré -mal- qu’un petit Zodiac, et qui réalise après le départ qu’il emmène tous les passagers à la catastrophe. Mais non, même si certains ont sans doute les nerfs a fleur de peau, ils tiennent bon, droits dans leurs bottes, parce qu’ils ont pour eux la morale. La morale, cette valeur bourgeoise qu’ils vomissent lorsqu’elle ne leur convient pas, dont ils récusent les valeurs par relativisme, mais qui leur convient si bien lorsqu’elle est au service de l’égalitarisme, lui même au service de la chasse aux votes des frustrés et des envieux.
Pourtant si tout est relatif, si tout est affaire de culture et de point de vue, en quoi la recherche de l’égalité devrait-elle avoir une quelconque supériorité morale ? Quelle légitimité y a t-il à l’imposer a coups de lois liberticides et spoliatrices ?
LE PANURGISME
Il faut aussi compter sur une force centripède considérable : celle du groupe, du troupeau... Un homme de gauche qui remet en cause la doxa socialiste met en danger certain son acceptation par le groupe. Il se retrouve seul, individu face au collectif : le cauchemar socialiste ! Le regard de l’autre, pour ceux qui se préoccupent tant d’être politiquement corrects, est un véritable carcan. “Que vont penser mes amis musulmans si je deviens critique vis à vis de l’islam ? Non, il vaut mieux continuer a casser du catho, ça rapporte des points alors que si je touche a l’islam je vais en perdre un paquet !”
LE MARKETING
Ajoutons enfin que le marketing égalitaire est bien plus puissant que celui de la liberté, relayé qu’il est par les artistes, les médias et le pape lui-même. Et j’allais oublier le Dalai Lama, Empereur des Gentils de la Planète Terre, qui vient d’avouer qu’il était marxiste !
Qu’importent donc l’histoire et les faits. Apporter des arguments démontrant les erreurs du socialisme est aussi vain qu’il le serait pour un scientifique d’apporter des arguments visant a nier l’existence de Dieu auprès de croyants. Denoncer les atteintes intolérables aux libertés revient a crier dans le desert lorsque la majorité de la population n’a jamais entendu parler de Orwell ou de Huxley et se contrefout que l’enssignement des Lumières devienne facultatif au collège.
Dans un système, la démocratie, ou le pouvoir appartient aux masses, on a travaillé efficacement à rendre celles-ci ignorantes ou indifferentes. Ignorantes, elles le sont par la non information des médias, par leur paresse intellectuelle, par leur inculture ou par un travail de brute qui ne leur laisse pas une seconde pour penser a autre chose qu’a leur quotidien ou à leur survie.
Indifférentes car beaucoup sont prêts a accepter toutes les atteintes à la vie privée, toutes les privations de liberté, tous les abus de pouvoir tant que sont maintenus leurs privilèges (fonctionnaires), leurs aides sociales (assistés, chômeurs, parasites...) ou que leur cause gagne du terrain (islamisme, égalistarisme, socialisme, communisme, fascisme...)
Voilà pourquoi, particulièrement en France, la fabrication incéssante de pauvres, d’assistés et de fonctionnaires, et l’impossibilité de ramener a la raison les croyants structuralistes nous persuadent que les défenseurs de la liberté, les entrepreneurs indépendants, les détenteurs d’une épargne pouvant s’investir n’ont aucun avenir. Voilà pourquoi, comme le repète H16, ce pays est foutu !
Vraiment foutu ?
Oui.
A moins que...
A moins que les libéraux et avec eux tous ceux qui se préoccupent de leurs libertés, de l’avenir de leurs enfants, de leur propre avenir et de l’image du pays qui les a vu naître prennent enfin possession de la rue, seul moyen en France de faire entendre sa voix et faire passer un message ... Car s’il est bien une chose que l’Histoire de France a prouvé, c’est qu’elle se décide dans la rue a tous les moments cruciaux.
Nous ne nourrissons pas l’illusion qu’il sera possible de mobiliser des centaines de milliers de citoyens en un tour de main. Mais n’est-il pas raisonnable de penser que l’on peut atteindre un nombre raisonnable s’il est possible de fédérer les libéraux, les contribuables associés, les entrepreneurs (pigeons ou pas), les défenseurs des libertés et les français qui sans appartenir a aucune de ces catégories souhaitent faire entendre leur voix contre les politiques liberticides, fiscalement répréssives, et socialement partisanes du pouvoir en place ?
Nous pensons quant à nous que cela est possible, et c’est bien le seul plan sur lequel nous sommes optimistes.
Il est temps d’agir !